Grèce : on n’a pas encore tout vu

Quiconque regarde ce qui se passe en Grèce ne peut manquer de se demander pourquoi, face à un effondrement économique constituant un  aveu d’échec aussi criant pour la Troïka (FMI, BCE, UE), les choix ayant mené au désastre actuel ne sont pas remis en cause.

Incompétence crasse, panique face au risque de contagion à d’autres pays, corruption ? La réalité est peut-être encore plus sordide.

En deux ans, le pouvoir d’achat des Grecs a baissé de moitié, une forte inflation gagne le pays, le nombre de suicides augmente, nombreux sont ceux qui partent à l’étranger, bref, toutes choses qui, pour une personne saine d’esprit, prouvent qu’il faut arrêter le massacre de toute urgence et pendant qu’il en est encore temps.

La torture économique imposée à la Grèce n’est certes pas de nature à tourmenter la conscience de ses « liquidateurs » en complet veston opérant pour le compte de l’inquisition financière. Pire, il ressort de la situation sur le terrain qu’il y aurait dans les tiroirs de la Troïka des scénarios pour transformer la Grèce en zone de délocalisation à l’intérieur même de l’espace européen.

Les salaires y ont déjà tellement baissé qu’ il serait en effet possible d’imposer de nouvelles coupes en vue d’atteindre moins de 400 euros par mois, créant ainsi une main d’œuvre d’autant plus « compétitive » que la population grecque est très bien formée et qualifiée. Par ailleurs, grâce au « réservoir » que constitue sur place une nombreuse main d’œuvre émigrée luttant pour sa survie quotidienne en se vendant au plus offrant, toute velléité d’exiger un salaire décent se heurterait à cette concurrence et la loi du moins-disant salarial deviendrait la norme. Certes, il faudrait pour cela éliminer l’obstacle que constitue la législation du travail ce qui, de toute évidence, est considéré comme une simple question de temps si l’on voit les pressions actuelles en ce sens.

Ainsi surgirait sur ces bords de la Méditerranée qui virent s’épanouir le berceau de la civilisation européenne, une zone franche suscitant la convoitise d’ investisseurs cupides à la recherche de marges de productivité que leur apporterait une forme modernisée de servage.

On justifiera l’opération en vantant ses « mérites » pour la bonne santé de l’économie grecque : équilibre de la balance des paiements avec d’un côté des importations réduites au minimum et de l’autre des exportations en hausse grâce à des coûts imbattables.

Les pays plus riches de la zone euro pourraient ainsi trouver à leurs portes l’équivalent européen des coolies chinois. Seule ombre au tableau de ce paradis néo-colonial, la certitude que nos propres entreprises européennes (tout du moins celles qui auront survécu à la loi de la jungle organisée) fermeront leurs portes pour se délocaliser dans ce gigantesque camp de travail ; avant d’y faire faillite, faute de clients en mesure d’acheter leurs produits …

Exagération, dramatisation inconsidérée ? Dans une récente discussion avec l’attaché parlementaire d’un député s’occupant des affaires européennes, je soulevai cette question en pensant qu’elle susciterait une réaction indignée. Grande naïveté ! Ce qui me paraissait prouver l’insanité politique actuelle faisait visiblement partie pour lui des choses constituant une évidence accessible à toute personne « informée »

 

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