La diffusion le 20 décembre par Canal Plus d’un sketch sur le génocide au Rwanda a provoqué une vague d’indignation légitime. Pressée de se justifier, la chaine de télévision s’empêtre dans des explications qui ne convainquent pas.
On en vient à s’interroger sur ce qui l’a poussée à choisir un tel thème dans une émission qui se veut humoristique et satirique. L’une des première explication est l’audimat, ligne d’horizon de toute entreprise médiatique, à un moment ou Canal Plus est en perte de vitesse par rapport à ses concurrentes.
Or, qu’est-ce qui assure de l’audimat dans un métier qui opère sur la pente savonneuse des scores d’audience ? La réponse, vous la connaissez. Dans la recherche de la violation des tabous (ou supposés tels) qui caractérise la culture des médias aujourd’hui, la tentation est irrépressible d’aller chercher dans le registre très apprécié de la dérision autour de sujets moralement sensibles (sauf que la dérision n’est pas l’humour, loin s’en faut).
A ce petit jeu, les dérapages sont inévitables quand ce n’est pas, pour les chaines qui revendiquent haut et fort la pulsion voyeuriste de l’audiovisuel, la descente aux enfers des reality shows.
On pourra toujours se justifier en alléguant la demande du public, que l’on dépravera encore un plus plus en prétendant répondre à son souhait et qui sera par conséquent un peu plus demandeur de cette dépravation médiatique … Rome avait déjà compris comment contrôler sa population avec les jeux du cirque.
Mais il y a un autre aspect. Notre société est aujourd’hui composée en majeure partie de personnes travaillant dans le tertiaire, c’est à dire dont le contact avec le monde physique – en vue de le transformer par son travail – est de plus en plus lointain, voire inexistant.
Or, le monde physique est fait de contraintes … physiques, de résistances, il ne plie pas aux caprices, il faut en connaître les lois pour le maîtriser. Tout simplement : produire de l’acier, produire du blé, produire une paire de chaussures ne relève pas d’une activité virtuelle !
Une immense majorité de Français n’ont aujourd’hui plus aucun contact avec cette réalité là et les métiers de l’information et de la communication encore moins que quiconque. Et si les personnes qui sont employées dans ce secteur connaissent le monde, c’est généralement comme les touristes qui passent d’une chose à une autre, qui surfent dans un village/monde sur la base du « prendre » mais jamais du « donner ».
D’où, quelque chose d’extrêmement dangereux car cette « culture » implique une véritable déconnexion entre un monde devenu une pure virtualité d’un côté et le cœur et la raison de l’autre
Ceux qui ont fait ce sketch sur Canal Plus n’ont peut-être même pas pensé mal faire, c’est bien le plus grave.
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