De retour de La Rochelle

On sentait bien qu’en cette année 2012 où le Parti socialiste a renoué avec le pouvoir,  l’exercice rochelais serait difficile et, tel fut bien le cas. D’accord, l’Université d’été a été un franc succès en terme de participation :  salles bondées, depuis l’immense hall pour les séances plénières jusqu’aux salles dédiées aux ateliers où il fallait prévoir un quart d’heure d’avance  pour trouver une place assise.
Mais jamais on n’avait senti à quel point le débat était verrouillé. Depuis les ateliers jusqu’aux séances plénières, les différents intervenants semblaient prisonniers d’une courbure de l’espace temps politique les ramenant inexorablement près les rives d’oceanus debtus que les vaillants citoyens français sont d’ores et déjà conviés à vider à la petite cuillère.
Le lecteur attentif devinera qu’il n’était nul besoin de parler explicitement de dette, ou autre délicatesse de ce type, pour que l’on sache que toute action (ou non action) aurait comme métrique l’absence de sous.
Le lecteur ne manquera également pas de comprendre à quel point les discussions savantes ou enflammées auxquelles il me fut donné d’assister n’étaient dès lors que de pieux verbiages n’ayant d’autres fonctions que de cacher cette réalité toute simple et toute crue que « le Roi est nu » et, surtout, qu’il n’y a aucune volonté de l’habiller quand bien même l’hiver se profile à l’horizon et que le fond de l’air se fait dangereusement frais.

Évidemment, tout projet qui se respecte relève de la haute acrobatie voire de l’illusion quand les moyens de le mettre en œuvre font défaut. D’ailleurs, certains militants sans doute trop attachés aux idéaux se sont fait gentiment recadrer après avoir exprimés certains doutes quand à la capacité réelle de mettre en action le « projet » gouvernemental.

Ceci n’a pas empêché Jean-Marc Ayrault, comme Martine Aubry ou encore  le président des jeunes socialistes de dérouler un long catalogue des « grandes conquêtes sociales » (mariage pour « tous », augmentation du SMIC de 21,5 euros/mois pour un temps plein) en cours ou déjà acquises grâce à la « pugnacité » du gouvernement ou encore la mobilisation des militants.

Evidemment, cela prêterait à sourire si la France et le monde n’étaient  actuellement dans la situation gravissime que l’on sait et si le Parti socialiste n’était pas au pouvoir.

Hormis notre équipe de Nouvelle Solidarité qui assistait aux travaux à l’intérieur nous avions une équipe de militants à l’extérieur arborant un panneau où était inscrit « Un Glass Steagall vite pour ne pas attraper la sarkozyte ! » Les réactions – amusées, approbatrices ou courroucées – furent évidemment nombreuses car la question de fond était posée ; à savoir, que le gouvernement Hollande, faute d’attaquer le monde de la finance pourtant dénoncé pendant la campagne (discours du Bourget), court le risque de se déliter de plus en plus rapidement. Les derniers sondages donnent d’ailleurs une mesure de la chose.

Quatre points précis sont à souligner : premièrement, la méconnaissance scandaleuse de ce qu’est véritablement le pacte budgétaire (TSCG) que le gouvernement s’apprête néanmoins à faire voter fin septembre et dont les conséquences suicidaires et destructrices sont superbement ignorées par la masse des Socialistes comme du reste des Français.

Deuxièmement, le jeu malsain autour du Glass Steagall où l’on prétend mettre bon ordre aux excès des banques en se contentant, au mieux, d’une séparation des activités entre banques de dépôt et banques d’affaires (qui resteraient sous le même toit) alors que l’on sait très bien qu’il faut une séparation rigoureuse pour créer deux entités physiquement différentes (voir vidéo).

Plusieurs personnalités du PS, que je ne nommerai pas ici, ont d’ailleurs bottés en touche lorsqu’elles ont été interpelées sur le sujet ; pour les unes, ce sont les bilans des banques qu’il faudrait séparer, pour les autres on ne pourrait procéder à la séparation exigée par le Glass Steagall du fait de la mutualisation des banques.

Troisièmement, le culte d’une Europe fédéraliste jouée comme ultime recours face à la crise de l’euro. Le PS donne ainsi raison à Jacques Attali qui avouait, il n’y a pas si longtemps dans l’Express, que l’euro avait été conçu de telle manière à être dis-fonctionnel ce qui rendait inéluctable, pour qu’il puisse survivre, d’en arriver à une fédération européenne de facto imposée en parfaite violation de la démocratie et de la souveraineté des peuples européens.

Quatrièmement, l’allégeance à l’écologisme de décroissance telle que l’a illustré la leçon de sophisme que constitua l’intervention d’un Pascal Durand (EELV) essayant de faire avaler la pilule obscurantiste en tentant de découpler  progrès social de progrès économique, scientifique et industriel.

Les militants socialistes méritent mieux que ces tours de passe-passe auxquels se livre leur direction. Ce n’est pas pour rien que Marie-Noëlle Lienemann a été plébiscité pendant et à la fin de son intervention lorsqu’elle a appelé un chat, un chat. Elle a eu, en particulier, le courage de dire que son expérience lui avait permis de prendre conscience combien l’Europe s’était avérée n’être en réalité qu’un terrible marché de dupes pour ne pas dire un sinistre traquenard.

Nous avons rencontré des militants socialistes qui, de toute évidence, gardent au plus profond d’eux-mêmes cet idéal socialiste si merveilleusement incarné par Jean Jaurès. Puissent-ils ramener cet idéal, et la pratique qu’il suppose, dans les plus hautes instances de leur parti et pour le plus grand bien de la France.

 

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