Vraie contre fausse compétitivité

Le World Economic Forum vient de publier son rapport annuel sur la compétitivité dans lequel la Suisse figure à la première place pour la quatrième année consécutive. La France figure en vingt-et-unième position et perd une place par rapport à l’année dernière, dans une dynamique où depuis plusieurs années elle recule de manière constante.

Faut-il donc parler de « paradoxe helvétique » ?

En effet, voici un des pays les plus riches de la planète qui est également le plus compétitif alors que les emplois y sont, à qualifications égales, nettement mieux rémunérés qu’en France (il suffit de voir le nombre de frontaliers franchissant chaque jour la frontière pour y travailler). Pour autant, la Suisse serait-elle la championne toute catégorie des impôts légers, des charges sociales inexistantes, d’absence de services publics (et donc de fonctionnaires) ? Demandez-donc aux Suisses et vous ne serez pas déçus de la réponse. Les ingrédients en question sont pourtant ceux qui sont censés rendre nos économies compétitives, selon les marchés financiers et la doxa de ceux qui les servent. Les attaques constantes dont fait l’objet une France accusée de « non-compétitivité » par la presse portent le plus souvent sur ces points, précisément.

Or, tout le monde souligne que la recette du succès suisse tient à sa grande capacité d’innovation, rendue possible par une politique publique et privée qui fait la part belle à la recherche et au développement comme l’atteste le montant des dépenses dans ce secteur clef.  La Suisse a su établir une coopération poussée entre le monde académique et celui de l’entreprise tout en protégeant fortement le droit intellectuel. Et, ceci étant une conséquence de cela, elle est deuxième, au niveau mondial, pour le nombre de dépôt de brevets par habitant (alors que la France est en forte régression sur ce plan) !

C’est évidemment un point essentiel, à mettre en parallèle avec ce que vit la recherche en France, dépourvue, mise au pain sec, contraignant les chercheurs à s’expatrier, d’abord et avant toute chose afin de pouvoir gagner leur vie. Que l’on compare également avec la politique de l’Argentine qui, alors qu’elle sortait à peine de la terrible crise de 1998-2002 avait décidé d’augmenter les salaires de ses chercheurs pour stopper la fuite des cerveaux, cette matière première stratégique.

Mais ceci n’explique pas tout. Il faut ajouter à cela d’autres éléments comme la stabilité politique qui n’existerait sans doute pas s’il n’y avait, d’une part, un modèle politique reposant sur la concertation mais également un « esprit de milice » qui amène ce sens citoyen très fort et pour lequel tout un chacun est prêt à donner de soi. C’est donc, au sens large, un certain environnement culturel qui permet de structurer une société et de lui donner une orientation.

Voilà qui est à méditer pour la France, où le processus de déconstruction historique, social et culturel a été poussé très loin avec la complicité des « élites » mêmes du pays que panique la perspective qu’elles pourraient perdre de leur pouvoir et de leurs privilèges.

Voilà qui est également à méditer alors que « l’Europe » (c’est-à-dire la Troïka BCE, UE, FMI et ses relais dans les différents gouvernements) applique aveuglement un programme d’austérité criminelle censé rendre les différentes nations plus « compétitives » aux yeux des marchés financiers, en d’autres termes, de les ruiner pour les asservir.

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